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Comment le Recrutement Détruit le Marketing Relationnel de l’Intérieur

Tous les professionnels du MLM l’affirment : celles et ceux qui veulent jouir d’un grand succès doivent recruter pour former une belle et grande équipe. Et si c’était au contraire la source de presque tous nos maux ?
 
Note : cet article paraîtra dans l’édition de mars 2018 du magazine Le Networker. Il vous est offert par Jean-Philippe Hulin et par Cassandre Tran la rédactrice en chef du magazine. Infos et abonnement (dès seulement 5 € par numéro) : https://www.lenetworkermagazine.com/abonnements
 


Le jour où vous avez décidé de vous lancer en tant que distributeur est un jour très spécial.


Bon nombre d’entre-nous s’en souviennent comme d’une seconde naissance, comme d’un évènement très particulier dont l’anniversaire doit être fêté chaque année : c’est le jour où tout a changé et où beaucoup déclarent avoir pris la meilleure décision de leur vie.


C’est en tous cas ce qu’on peut appeler le « discours officiel ». Il fait partie intégrante des premières explications données aux prospects qu’on rencontre et il sert de point d’appui lorsque nous sommes face à un distributeur en proie au doute.


Mieux encore, il est servi à toutes les sauces lors des immanquables cérémonies de reconnaissance qui agrémentent nos évènements annuels. Un conseil récurrent émerge ainsi de la foule de témoignages parfois exprimés avec la larme à l’oeil :

« Si je l’ai fait, vous pouvez le faire aussi. La ‘Société Merveilleuse’ (à remplacer par le nom de votre entreprise) est le meilleur véhicule qui soit pour atteindre le succès. Croyez en vous et partagez l’opportunité à chaque occasion. Ne vous découragez pas et gardez bien à l’esprit que chaque ‘non’ vous rapproche du ‘oui’ ! ».


Une sorte de phénomène de duplication apparait alors. Presque tous les débutants se mettent au diapason et acceptent eux aussi que, pour avoir du succès, il faut recruter un maximum de nouveaux distributeurs. Il suffit de parler de l’opportunité - sans aucun à priori - à tout être humain qui aurait la bonne idée de se plaindre quelque peu de sa situation.


« Si une mère célibataire atteint le rang de Star Trek Commander Triple Étoiles en 6 mois, tu peux y arriver toi aussi ! »



Pour renforcer nos explications et leur donner encore plus de crédibilité aux yeux de nos prospects, nous allons faire référence aux déclarations de cette mère célibataire qui, malgré un emploi prenant et 2 enfants à charge à cause d’un ex-mari alcoolique, a réussi à atteindre le rang de Star Trek Commander Triple Étoiles en seulement 6 mois, empochant 10.000 € de bonus, une voiture de luxe et un voyage de rêve sur Mars.


Nous allons répéter cette histoire comme tant d’autres à tout qui voudra bien nous en laisser l’occasion. Que ce soit aux repas de famille, aux fêtes d’anniversaire, aux mariages, lors d’une soirée entre amis ou entre collègues, dans une publication Facebook, par messages privés sur WhatsApp et même parfois après un enterrement, nous allons chanter les louanges de notre belle profession aux quatre vents dans le but de séduire un maximum de monde afin de former cette fameuse belle et grande équipe qui fera notre succès.


Voilà pour le discours officiel et ce qui se passe majoritairement sur le terrain.


Retirons maintenant notre casquette de distributeur pour enfiler celle d’un entrepreneur normal, par exemple celle d’un menuisier qui ferait ses meubles à l’ancienne : à la main.


Imaginez que vous disposiez d’une petite surface commerciale bien située. Vous décidez d’organiser une réception de lancement afin de vous faire connaitre.


Après avoir décoré votre local, lancé les invitations et disposé tous vos articles, la soirée peut commencer.


Les invités se bousculent, vous félicitent et lorgnent sur vos articles. Pensez-vous réellement que vous allez leur parler d’ouvrir leur propre menuiserie à leur tour parce qu’ils s’intéressent à votre jolie commode ? Évidemment non. Ce qui vous intéresse dans cette situation, c’est de vendre vos articles et de construire un portefeuille de clients heureux n’est-ce pas ?


C’est pourtant ce que beaucoup de distributeurs font dans le MLM. C’est même un conseil qui leur est fréquemment donné puisque, paraît-il, pour avoir du succès, il faut être le produit du produit.


La question à se poser est la suivante : si cette approche est insensée dans le cadre d’une petite menuiserie artisanale, pourquoi aurait-elle plus de légitimité dans le Marketing Relationnel ? Nous connaissons tous la réponse, c’est parce qu’il est possible de bâtir notre propre équipe en MLM. Ce n’est cependant pas une raison suffisante pour faire fi du bon sens le plus élémentaire.


Lors d’une convention annuelle, le PDG d’une entreprise de Vente Directe a donné un étonnant conseil pour motiver ses troupes. Partant de l’étrange postulat affirmant que "les êtres humains n’aiment pas dire ‘non’ 2 fois de suite", il a conseillé à son public de toujours proposer l’activité à un prospect qui ne serait pas intéressé par les produits et de toujours proposer les produits à un prospect qui ne serait pas intéressé par l’activité. L’idée est de ne pas perdre son temps et, puisqu’il paraît qu’il est difficile de refuser 2 fois de suite, d’améliorer nos résultats.



« Vous ne ‘gagnez’ pas si vous engendrez de la pitié »



J’ignore si cela fonctionne réellement mais même si c’est le cas et que le postulat de départ est vrai, ce qui n’est absolument pas le cas, vous recevez alors un ‘oui’ de gêne ou de pitié. En effet, si quelqu’un a vraiment du mal à vous dire non 2 fois de suite, c’est qu’il a peur de vous décevoir et de vous décourager. Il accepte donc l’une de vos 2 propositions par dépit. Avez-vous vraiment gagné quelque chose dans ce cas de figure ? Est-ce que cette situation vous semble plaisante et valorisante ? Probablement pas. Savez-vous pourquoi ? C’est parce que vous ressentez bien que vous ne ‘gagnez’ pas si vous engendrez de la pitié.


Pire encore : une fois seul, votre prospect reprendra ses esprits et décrètera qu’on ne l’y reprendra plus. Du coup, vous avez formé quelqu’un qui n’a absolument pas envie de vous passer de nouvelles commandes mais qui va en plus évoquer sa mésaventure auprès de son entourage. Vous limitez donc très fortement vos possibilités de développement. C’est une des raisons qui amène de grands nombres de distributeurs à dire qu’ils n’ont plus personne à qui parler…


Revenons maintenant à votre petite menuiserie. Les mois ont passé depuis votre inauguration et les choses se passent bien, trop bien même. Vous croulez sous le travail et, étant seul maître à bord, vous vous retrouvez au four et au moulin. Vous répondez au téléphone, vous servez les clients, vous façonnez vos meubles et vous vous occupez de tout l’administratif.


Bref, ça cartonne mais vous êtes dans le jus. Comme vos finances sont plutôt bonnes, vous décidez de vous mettre à la recherche de quelqu’un qui pourra vous assister en s’occupant de toute la partie administrative.

Vous passez donc une petite annonce et recevez une 50aine de candidatures.


De ces 50 CV et lettres de motivation, vous invitez 10 candidats à participer à un entretien avec vous. Sur les 10, seuls 8 se présentent réellement. Sur les 8 que vous avez rencontré, vous décidez d’en inviter 3 à un second entretien suivi d’une matinée à l’essai. Finalement, vous sélectionnez votre candidat idéal et lui offrez un contrat. Vous avez donc refusé d’embaucher 49 candidats sur 50… Logique n’est-ce pas ? Évidemment !


Et pourtant, ce n’est pas du tout l’attitude que nous adoptons en règle générale dans le Marketing Relationnel. Dans notre métier, si nous avons 50 candidats, nous allons tenter de les inscrire tous les 50 ! Pire encore : nous serons déçus si nous en inscrivons trop peu à notre goût ou au goût de nos parrains.


Revenons à nos 50 prospects. Puisque nous ne raisonnons pas comme un simple menuisier, nous allons essayer de fixer un rendez-vous à nos 50 candidats. Comme c’est impossible, cela va nous décevoir et nous démotiver quelque peu. Mais pas de souci, comme on nous a dit que le succès est un jeu de nombres et que chaque ‘non’ nous rapproche du ‘oui’, nous continuons quitte à parfois faire du forcing.


L’heure des RDV a sonné et celle des lapins avec elle. Bon nombre de nos invités sont absents et n’ont même pas pris la peine de prévenir. C’est parfois totalement justifié : vu que nous ne leur avons pratiquement pas laissé le choix, ils ont accepté pour qu’on leur fiche simplement la paix. Mais jamais ils n’en ont eu envie, donc ils nous posent de jolis lapins.


Bref.


Sur nos 50 prospects, 25 sont au rendez-vous. Après avoir un peu brisé la glace, nous voilà partis dans nos grandes explications. Certains font ça en 15 minutes, d’autres en 30 et d’autres encore en une heure ou plus. Quoi qu’il en soit, nous consacrons énormément de temps et d’énergie à cette phase de prospection/explications qui précède une inscription éventuelle. Durant ces 25 entretiens, nous allons sans cesse répondre aux mêmes questions et aux mêmes objections. Surtout, nous allons chercher à être le plus persuasif possible en montrant et en démontrant à quel point la Société Merveilleuse mérite bien son qualificatif de… Merveilleuse.


En guise de conclusion, 25 fois sur 25 ou presque, nous allons tenter d’inscrire le prospect dans notre équipe. Et bien sûr, nous allons tenter ce tour de force en prenant bien soin de rester en position d’offreur. Sauf qu’il ne faut pas être expert en psychologie pour admettre que nous sommes demandeurs dans l’immense majorité des cas !


Ok, mais pourquoi ?


Pourquoi cherchons-nous systématiquement à inscrire la plupart de nos prospects ? La première réponse évidente vient de la nature même de notre activité : ça ne coûte pas grand chose, à priori et sans trop y réfléchir, d’inscrire quelqu’un. C’est même une source potentielle de revenus à court, moyen et peut-être long terme.



« Inscris-le, on ne sait jamais ! »



C’est de là que provient un raisonnement totalement faux mais pourtant très répandu dans notre profession. Il nous est conseillé de ne pas avoir d’à priori et de donner la chance à tout le monde au motif qu’on ne sait jamais. Il est alors tentant de se laisser séduire par ce genre de discours : « Ce prospect ne paie pas de mine et ne montre que très peu de motivation mais il connaît peut-être quelqu’un qui inscrira quelqu’un qui inscrira quelqu’un qui deviendra une super star du MLM. »


Forcément, on craque par peur de rater le coche.


Revenons maintenant un instant en arrière. Est-il réellement vrai que cela ne coûte pas grand chose d’inscrire un distributeur ? En comparaison charges mensuelles payées pour l’assistant administratif du menuisier de l’histoire de tout à l’heure, alors oui, ça ne coûte financièrement pas grand chose.


Inscrire un nouveau distributeur coûte cependant bien plus que de l’argent. En fait, vos 2 ressources les plus précieuses et les plus irremplaçables sont en jeu : votre temps et votre énergie.



« Qui a mis tous ces boulets dans VOTRE équipe ? »



Observez votre équipe. Vous remarquerez que les distributeurs les plus actifs et les plus rentables sont ceux qui vous demandent le moins de temps et d’énergie. Au contraire, il y a toute une série de boulets qui vous pompent tout ce qu’ils peuvent et qui ne produisent rien ou presque. Mais qui diable a mis tous ces boulets dans VOTRE équipe ?!


C’est vous bien sûr. Parce que vous avez sincèrement cru qu’il faut parler de votre opportunité et donner la chance à tout le monde parce qu’on ne sait jamais…


Regardez ce qu’il vous en coûte de raisonner et d’agir de la sorte. Pensez-vous que les distributeurs qui abandonnent sont tous des fainéants qui n’ont rien compris ? Non, l’immense majorité d’entre-eux quittent notre profession soit parce qu’ils n’avaient rien à y faire en premier lieu, soit parce qu’ils se sont épuisés avec le groupe précédent.



« La peur de ne pas inscrire de nouveaux distributeurs ne doit pas engendrer l’obligation d’en inscrire coûte que coûte. »



Vous savez, la peur de ne pas inscrire de nouveaux distributeurs ne doit pas engendrer l’obligation d’en inscrire coûte que coûte ! Ne dit-on pas qu’il vaut mieux être seul que mal accompagné ? Et bien c’est aussi vrai en amour que dans le Marketing Relationnel et la Vente Directe.


Comme si ce n’était déjà pas assez, il y a une autre conséquence aux agissements que nous venons de décrire. Et celle-là a une portée planétaire qui dépasse de très loin notre petite personne. Pire, elle nous colle à la peau depuis des décennies et elle freine très sérieusement notre développement. Il s’agit ici de la piètre réputation du Marketing Relationnel en tant que profession sérieuse et viable.



« Notre profession sera prise au sérieux quand nous nous comporterons avec sérieux. »



Si vous en avez marre de ces regards incrédules et moqueurs lorsque vous dites avoir une activité de distributeur en Marketing Relationnel, il vous suffit de prendre conscience que notre profession sera prise au sérieux quand nous nous comporterons avec sérieux.


Ce n’est pas sérieux de vouloir inscrire tout le monde ou presque. Ce n’est pas sérieux de croire que l’on peut réussir dans ce métier en ne faisant que quelques clients (nous en parlerons une prochaine fois). Ce n’est pas sérieux de… ne pas être sérieux.


« La solution ? Arrêter de recruter à tour de bras et enfin parrainer de façon TRÈS sélective. »



La solution ? Arrêter de recruter pour recruter et enfin parrainer de façon très sélective. Bien sûr, nous allons perdre tous ces mini-orgasmes éphémères que nous ressentons au moment d’annoncer fièrement que nous avons, encore, recruté X nouveaux distributeurs ce mois-ci. Mais nous allons également arrêter de nous plaindre d’avoir une équipe pleine de boulets.


Nous allons arrêter d’envoyer nous-mêmes nos pires détracteurs dans le monde réel. Car oui, il n’y a pas pire détracteur que celui qu’on a harcelé pendant des semaines et des mois. Tout comme il n’y a pas pire qu’un ancien distributeur qui n’aurait jamais du le devenir qui parle de son expérience ratée à son entourage. Rares sont ceux qui admettent qu’ils n’ont pas fait le nécessaire pour réussir. Très majoritaires sont ceux qui affirmeront à tout qui voudra bien l’entendre que « Le MLM, ça ne marche que pour ceux qui sont au-dessus ».


Vous voyez le problème ? Il est colossal !


En croyan